J’ai participé ce matin au 6ème « parlement des familles » de l’Union Départementale des Associations Familiales de la Martinique (UDAF) organisé dans le cadre du grand débat national voulu par le Président de la République.

Comme l’a rappelé en introduction le président VALERE, l’UDAF a pour mission la défense des intérêts matériels et moraux des familles martiniquaises. Cette association fédère de très nombreuses associations présentes sur l’ensemble du territoire qui interviennent depuis très longtemps au plus profond de la ruralité territoriale.

Au-delà des sujets « suggérés » par la démarche nationale, les intervenants se sont exprimés sur les sujets qui préoccupent plus spécifiquement la Martinique. Ces intervenants ont tous mis en lumière la situation de crise dans laquelle se trouve aujourd’hui le territoire. Il s’agit en l’espèce de crises dites à cinématique lente, parfois larvées. Un exemple médiatisé de ce type de crises est l’évolution démographique de la Martinique dont les impacts négatifs à moyen et long termes commencent seulement à être étudiés (dynamisme commercial, désertification rurale, vieillissement accéléré de la population, crise de la fiscalité territoriale …).

La question de la crise du logement a été centrale des débats. Il s’agit du premier poste de dépense des ménages et il y a selon les membres de l’UDAF une inadéquation de l’offre actuelle face aux besoins quantitatifs, en termes de répartition sur le territoire et surtout en termes de réponse aux besoins particuliers des publics vulnérables (en situation d’handicap, de détresse sociale ou économique, les séniors valides ou non…).

L’action remarquable de l’UDAF au travers de ses associations membres est assurément un facteur de cohésion sociale qui contribue à atténuer les effets de ces crises et à éviter ou retarder l’implosion sociale.

Ma contribution a porté sur d’autres types de crises ; celles que nous ne vivons pas encore, qui restent probables mais qui malheureusement ne préoccupent pas suffisamment nos compatriotes au quotidien. Ce sont les évènements disruptifs à spectre spatial et démographique large, c’est à dire qu’ils impacteraient potentiellement le territoire entier et qu’ils intéresseraient une frange importante de la population. Typiquement, il s’agit dans nos régions des catastrophes naturelles ouragans et tremblements de terre.

D’une manière générale, la réponse de sécurité civile, l’intérêt médiatique et les moyens de rebond portent sur l’urgence et restent limités dans le temps. On se focalise sur le nombre de morts et de disparus, le montant des dégâts, le sort immédiat des survivants sans toujours se préoccuper de leur sort à plus long terme.

Les conséquences sur le tissu familial des territoires impactés sont néanmoins souvent dramatiques et malheureusement parfois durables :

– émigration de masse (sans commune mesure avec la baisse démographique susmentionnée). Après 1995, et l’éruption volcanique de la Soufrière, 85% des 12 000 habitants de l’île de Montserrat sont temporairement ou définitivement partis vivre à l’étranger.

– augmentation drastique du chômage dans des économies ravagées

– délocalisation des emplois dans d’autres territoires

– perturbation de la scolarité des enfants

– développement des comportements déviants (trafic de drogue, inceste, hausse de la criminalité…) en liaison avec la dégradation des conditions de vie et la sous-performance des économies qui peinent à se rétablir.

Toutes ces conséquences peuvent contribuer à accélérer la déconstruction de la structure familiale, l’humain étant toujours la victime in-fine de ces crises et elles mettent à rude épreuve la solidarité territoriale.

Pour revenir à la question du logement, rappelons simplement que :

– 22% des logements de l’île de la Dominique (6 731 sur un total de 31 352) ont été totalement détruits par l’Ouragan Maria du18 septembre 2017

– Fin 2018, le Gouvernement de la Dominique a pu enfin reloger définitivement les premières familles du village de Petite-Savane dévasté par les glissements de terrain et coulées de boues qui se sont produits durant le passage de la Tempête Erika …en août 2015.

– Après le passage de l’ouragan Hugo en Guadeloupe en1989, des familles sans-abri sont restées plusieurs mois sous des tentes.

Compte tenu des enjeux, il faudrait donc dès à présent, se donner les moyens de construire une vraie culture du risque au sein des foyers martiniquais. C’est à ce prix que le territoire deviendra lui-même plus résilient.

Pouvoir compter sur la solidarité nationale c’est bien, mais être mieux préparé et savoir pouvoir compter sur des mécanismes de solidarité endogènes ce serait plus responsable et plus prudent.

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